Review Bitume Caviar (vol.1)
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Review Bitume Caviar (vol.1)

Si vous ne l'avez pas encore écouté, il est peut-être temps de s'y mettre. 6 mois après la sortie de leur premier projet commun il n'y a déjà plus aucun doute, c'est une réussite en tout point. Limsa et Isha ont convaincu le public de bout en bout en livrant une œuvre pleine d'émotions.

Aujourd'hui, on a décidé de revenir avec vous sur cet album qui est, à mon sens, déjà mythique.

Tout l'enjeu d'un projet commun c'est de trouver la bonne recette, ne pas simplement balancer un ensemble de morceaux où les deux artistes s'échangent des couplets mais bien de construire ensemble un produit unique qui n'aurait pas pu être créé seul.

On l'a dit dans l'introduction, ils ont réussi, mais comment ?

Une relation qui ne date pas d’hier

Effectivement, avant de parler de ce qu’il y a dans cet album il faut d’abord rappeler qu’ils ont déjà collaboré ensemble à plusieurs reprises. Et si vous pensiez que leur première collaboration date du classique « Starting Block », détrompez vous ! En remontant 1 an plus tôt, en 2017, on peut entendre Limsa caler un « wallay » en adlib à la 43ème seconde sur le son « augmentation part. 1 » d’Isha ! Très subtil mais ça reste intéressant à noter, ce sont des connaissances de longue date. La suite ? Limsa apparaît sur le dernier album solo d’Isha « Labrador bleu » et sur le Grünt#55, où le rappeur d’Aulnay y fait une apparition plutôt remarquée avec son freestyle « Tout simplement », désormais disponible sur les plateformes.

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Un titre surprenant et une cover décalée

Un projet, on le découvre d'abord à travers son titre et sa cover. « Bitume Caviar » nous évoque la rue, le quartier, et d'un autre côté, la richesse. Peut-on établir un lien entre ces deux éléments pour déterminer qu'ils parleront probablement de leur réussite et de leur vécu ? C'est ce que nous allons voir par la suite. Pour la cover, idée de Caballero et réalisation de Romain Garcin, d'ailleurs élue cover de l'année 2023 aux Flammes, on y retrouve deux gars et un poisson. Au départ, difficile de comprendre le message véhiculé. L'idée derrière tout cela étant de représenter les deux artistes dans une activité de daron tout en conservant le côté « bitume », c'est ce que déclara le photographe.

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Un contraste permanent, entre rap et mélodie

On connaît l'amour de ces deux-là pour le rap tranchant et technique, et pourtant, ils ne se sont pas contenté de rester uniquement sur leurs acquis, loin de là. Ils ont chanté à plusieurs reprises et notamment sur le morceau : « À mes yeux », où on a pu entendre un Limsa plus touchant que jamais. Le duo s'est accordé beaucoup de liberté et laisse plus de place à la sensibilité à travers leur interprétation. Pour autant, ils n'oublient pas leur ADN et contrastent parfaitement sur le reste du projet avec d'autres titres, qui correspondent à l'image qu'ils se sont façonnée depuis plusieurs années, comme « Jimmy Fallon » ou encore « Flûtes recyclables » en featuring avec JeanJass et Caballero.

Entre deux styles

On y retrouve un Limsa fin et technique, un Isha plus brut et charismatique. Le rappeur d'Aulnay impose un rythme agréable, grâce à sa technicité et sa voix plutôt douce. Il développe ses rimes multisyllabiques comme il sait si bien le faire, et le Bruxellois vient régulièrement casser cette rythmique et imposer son style avec sa voix grave et rugueuse.

Des textes touchants

Un parcours compliqué, transformé en réussite

C’est la première chose que l’on ressent quand on les entend. Ils ont eu une enfance tantôt compliquée tantôt joyeuse, ils ont longtemps mené une vie de jeune adulte sans savoir où donner de la tête : « On est nés dans le milieu, la drogue, le crime et les chants religieux. » (« Lotissement »). Et pourtant, sur le tard, ils ont réussi à se faire leur place dans un milieu où seule l’élite de cet art a le droit à la réussite : « Aujourd'hui, j'prends mille cinq cents balles, juste pour chanter quarante minutes […] J'ai dit qu'j'prenais mille cinq pour quarante minutes, mais le temps qu'le son sorte, ça aura augmenté. » (« Le plan A »).

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Des références à leur génération

Limsa et Isha, tous deux de la génération 86, font écho à cet élément à plusieurs reprises. Élevés dans un même univers à travers la culture populaire, on le ressent pleinement dans leurs textes. Notamment lorsqu’ils font référence au rap : « Aquarium dans un Clio 4, ça écoute : Sniper - "Du rire aux larmes." » (« Clio 4 ») ou encore : « Mon fils sur les photos il prend tout le temps la pose, comme Calbo, il est tout en Lacoste. » (« Le plan B »). Ainsi, tout cela accorde encore un peu plus de crédit à la nostalgie ressentie pendant l’ensemble de l’écoute.

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La famille

On a l’habitude d’avoir un Limsa blagueur, un Isha plus extraverti, mais s’il y a bien un sujet sur lequel ils se sont livrés avec sérieux, c’est la famille. Le rappeur belge a rappelé l’importance de l’éducation de sa mère, l’ayant amené à devenir l’homme qu’il est aujourd’hui : « Ma mère, elle m'a appris à faire plus, pour ça qu'j'fais des interviews, on dirait des interludes. » (« Inna di Club »). Et Limsa, quant à lui, a réaffirmé porter un amour inconditionnel à sa grand-mère, mais aussi avoir vécu une adolescence probablement difficile avec ses parents : « À quinze piges, on m'a mis dehors, j'avais rien fait pour mériter ça. J'ai la meilleure grand-mère du monde, j'ai rien fait pour mériter ça. » (« Le plan A »). Dans le track bonus « Dans la tête », il aborde également le sujet de son frère et de ses nombreuses incarcérations : « La cote pour qu’tu rebé-tom est à 1 sur Betclic, des conneries on dirait qu'tu r'comptes en faire, Sixième peine t'as toujours pas eu le déclic, j’t'adore mais j'me plaindrai plus qu'on t'enferme. ».

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Une production moderne et à leur image

Principalement composées par Dee eye, les prods sont un élément indispensable à la réussite artistique de cet album. La rythmique correspond parfaitement au style du duo, et les sonorités modernes apportent une certaine nouveauté. Le piano, présent de nombreuses fois, apporte une touche de mélancolie, qui s’allie parfaitement avec les textes et la nostalgie. Pour le reste, Herman Shank a produit le morceau « Inna di club » qui était sorti en avance accompagné d’un clip. JeanJass et Caballero, quant à eux, se sont chargés de produire leur featuring ainsi que le titre « Tard le soir », et l’outro’ a été réalisé par Anybxdy.

Une suite déjà annoncée

Si vous pensez seulement avoir assisté à un album commun, vous vous trompez. Il s’agit probablement là de la création d’un véritable duo qui ne s’arrêtera pas uniquement à ce projet, c’est certain, un deuxième opus est en route. D’abord parce que le titre se termine par (vol.1), mais aussi et surtout, parce que Limsa a déclaré dans une interview chez Mehdi Maizi que certains sons étaient d’ores et déjà prêts.

Une réussite qui se traduit donc par plusieurs facteurs mais une chose a fait la différence, c’est leur sincérité. À travers les années, le duo s’est longtemps cherché, a fini par se trouver et avouer la vérité sans faux-semblant, tels des enfants, dans ce projet très touchant.